Biographie
Nous arrêtâmes là notre long
voyage.
Hannibal passa à l’avant des
troupes et prononça un discours afin de motiver les soldats, démoralisés et
épuisés.
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Tite-Live, Ab
urbe Condita XXI, XXX
«
[…] Alpes quidem habitari, coli, gignere atque alere animantes ; pervias
fauces esse exercitibus. […] Ne majores quidem eorum indigenas sed advenas
Italiae cultores has ipsas Alpes ingentibus saepe agminibus cum liberis ac
conjugibus migrantium modo tuto transmisisse. Militi quidem armato mihil
secum praeter instrumenta belli portanti quid invium aut inexsuperabile
esse ? […] Cepisse quondam Gallos ea quae adiri posse Poenus desperet ;
proinde aut cederent animo atque virtute genti par eos dies totiens ab se
victae
»
Ces Alpes, on les habite, on les cultive, elles
produisent et nourrissent des êtres vivants, elles ont des gorges que les
armées peuvent franchir. Leurs ancêtres d’ailleurs, n’étaient pas indigènes
; ils sont venus en Italie d’une terre étrangère, et ces Alpes mêmes, ils
les ont souvent franchis sans péril, en bandes nombreuses, avec femmes et
enfants, comme des immigrants. Eh quoi, pour des soldats armés, qui ne
portent avec eux que le bagage militaire, y a-t-il rien d’inaccessible ou
d’infranchissable ? Les gaulois l’ont prise, cette ville dont les
Carthaginois désespèrent d’approcher. Il faut donc s’avouer inférieurs en
énergie et en courage à ces Gaulois, qu’ils ont en quelques jours battus
tant de fois.
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La traversée des Alpes
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Biographie
Puis, une fois le discours terminé,
il entama la marche et commença la traversée des Alpes. Le chemin menant au
col Clapier était très abrupt et malgré la résistance des éléphants, les
hommes d’Hannibal et moi-même, nous étions exténués.
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Tite-Live, Ab
urbe Condita XXI, 35-36
«
Jumenta secabant interdum etiam infimam ingrediantia nivem et prolapsa
jactandis gravius in conitendo ungulis penitus perfringebant, ut pleraque
velut pedica capta haererent in dura et alta concreta glacie.
»
Il arrivait aussi que les bêtes de somme, au fur et
à mesure qu’elles avançaient, entament la couche de neige la plus profonde ;
quand elles glissaient, elles la brisaient en profondeur à force de
l’entailler à coups répétés de leurs sabots qui cherchaient à s’agripper
plus profondément : la plupart, comme si elles avaient des entraves aux
pieds, demeuraient clouées dans la glace durcie et profonde.
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Nous étions toutefois loin de nous
douter que ce n’était que le début d’un long périple à travers la montagne
qui sépare la Gaule de Rome.
Le sentier était étroit et le sol tremblait sous les pas lourds et lents des
éléphants.
Durant la montée, nous eûmes quelques pertes humaines et animales dues au
froid, au manque de nourriture ou même au manque d’endurance de certains
soldats.
Une fois que nous fûmes arrivés au sommet, Hannibal ordonna de faire une
nouvelle halte. Nous étions alors à la fin de l’automne et déjà la neige
avait recouvert le sommet des montagnes.
Nous nous sustentâmes de reste de viande crue et du peu de Garum qu’il nous
restait des maintes haltes que nous avions faites, pendant que les écuyers
nourrissaient les bêtes. Je fis alors la constatation qu’Hannibal s’était
assis au milieu des soldats, les encourageant et voulant alors faire naître
une confiance réciproque entre lui et ses hommes.
Je voulus alors savoir où nous étions arrivés et Hannibal me répondit que
nous avions atteint le fameux col Clapier.
Le froid gelait nos membres et nous ne pouvions bouger. Mais ce que nous
ignorions, c’est que la descente en direction de Tessin, sur le sentier
blanc et recouvert de neige, allait être encore plus fatiguant que la
montée.
Dès qu’Hannibal l’ordonna, nous repartîmes. A la vue de la descente, toute
l’armée fut saisie d’un terrible effroi tant elle était étroite, raide,
pentue et couverte de neige.
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En effet, ce fut plus difficile car le revêtement blanc de la montagne
glissait sous nos pas frigorifiés. Nous reçûmes aussi l’ordre de ne pas
parler trop fort ou même crier en raison des risques de déclencher de trop
fortes tombées de neige, appelées avalanches.
Lors de cette descente, ce fut l’hécatombe. Les hommes périssaient face aux
déferlements des éléments de la nature. Le froid les faisait souffrir, la
faim les rongeait, la neige les fouettait, et la peur les pétrifiait.
Les éléphants, quant à eux, dévalaient le sentier verglacé. A cet instant,
ou tout espoir de survie était vain, je crus que je ne survivrais jamais à
cette épopée.
Hannibal semblait toutefois résister au froid, contrairement à nous tous,
tel un dieu que rien n’échoit. Ce ne fut qu’après de longs jours de marche
et un grand nombre d’haltes que nous pûmes pénétrer le territoire romain et
terminer notre traversée des Alpes.
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La traversée des Alpes
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A ce moment précis, nous posions nos pieds soulagés et victorieux sur la
plaine du Pô.
L’armée que nous avions constituée avant la traversée n’était plus la même.
Effectivement, un grand nombre d’hommes et d’éléphants avaient péri durant
ces longues péripéties.
Nous étions hébétés et subjugués car nous vîmes alors que l’unique éléphant
rescapé de ce périple était celui d’Hannibal, comme protégé par sa volonté
et sa résistance.
J’aurais rencontré et ensuite voyagé avec, malgré son titre de général, un
homme et non un commandant puisqu’il est confiant, volontaire et il respecte
considérablement son armée, dormant et mangeant avec ses hommes, parlant
avec eux tout en faisant abstraction de son désir de supériorité.
Jamais nous n’aurions imaginé que ce général carthaginois serait un jour
arrivé à faire traverser une armée composée de soixante mille hommes, quatre
mille bêtes de charge, de trente-sept éléphants et d’une longueur totale de
68 milles environ.
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